Silicon Valley Bank : une banque peu connue mais très active dans le secteur des start-ups
Bien que relativement peu connue, Silicon Valley Bank est une importante banque américaine, comptant environ 215 milliards de dollars d’actifs dans son bilan et qui a fait faillite à une vitesse spectaculaire. Il s’agit du plus grand prêteur américain qui s’effondre depuis la crise financière de 2008.
Etablie dans la Silicon Valley, immense technopole qui réunit de nombreuses entreprises issues du secteur technologique, SVB a pour activité principale le financement de start-ups pour les soutenir dans le lancement de leur activité.
Un portefeuille d’investissement (actif du bilan) risqué
Une grande partie de son portefeuille est investi en obligations : environ 57% contre 24% en moyenne pour les banques américaines.
Ces obligations ont une durée de vie relativement longue (5,6 ans en moyenne), ce qui représente un niveau de risque élevé pour le bilan d’une banque. En effet, plus la durée de vie des obligations est longue, plus leur valeur baisse lorsque les taux d’intérêt augmentent.
Ajoutons encore que pratiquement 78% des obligations détenues par SVB sont investies dans des titres liés à des créances hypothécaires, souvent d’une durée de plus de 10 ans, ce qui accroît encore le risque de taux d’intérêt.
Et finalement, dans le cas de SVB, ce risque de taux d’intérêt n’était pratiquement pas couvert alors que c’est généralement le risque le plus contrôlé par les banques, puisqu’elles y sont très sensibles.
Un actif de bilan particulièrement risqué donc pour SVB.
Et des sources de financement (passif du bilan) très volatiles
La principale source de financement de SVB provient des dépôts (environ 173 milliards de dollars) de ses clients. Ces dépôts sont par nature très liquides, car ils peuvent être retirés à tout moment par les clients.
Ajoutons à cela le fait que la majorité des clients de SVB étaient des start-ups avec des besoins de trésorerie particuliers et difficiles à anticiper, générant un risque encore plus grand de retrait de fonds.
En principe, la source de financement la plus saine pour une banque est le capital, c’est-à-dire l’argent investi dans la banque par ses actionnaires, qui aurait dû être présent dans une plus grande proportion pour sécuriser le passif du bilan de SVB.
Ces particularités ont engendré un énorme décalage de duration entre l’actif et le passif.
Les effets de l’inflation sur le business model de Silicon Valley Bank
Pour contrôler l’inflation galopante, la banque centrale américaine a fortement augmenté ses taux en 2022.
Cette hausse des taux a eu un effet dévastateur sur SVB :
- Son portefeuille d’investissement a perdu beaucoup de valeur : un portefeuille d’obligations de 120 milliards de dollars avec une duration 5,6 ans signifie que chaque augmentation de 0.1% du taux d’intérêt sur 5 ans a fait perdre à la banque près de 700 millions de dollars. 1% d’augmentation du taux d’intérêt représentait 7 milliards de perte. 2% ? 14 milliards !
- Dans le même temps, de plus en plus de clients SVB ont commencé à retirer leurs dépôts car ils avaient besoin d’argent pour soutenir leurs activités et payer leurs factures. La SVB a donc eu besoin de liquidités pour financer ces sorties de fonds et a été contrainte de vendre une partie de ses obligations, entraînant de lourdes pertes pour la banque.
Le total des pertes non-réalisées sur les investissements est estimé à environ 16 milliards de dollars, ce qui correspond environ au total du capital de la banque. Le capital n’étant plus suffisant, SVB a tenté de mettre en place une augmentation de capital. Mais la simple annonce de cette nouvelle a mis la puce à l’oreille des clients de la banque, qui ont immédiatement retiré leur argent (42 milliards de dollars en une seule journée).
GAME OVER
Est-ce un cas isolé ou tout le secteur bancaire est-il menacé ?
Aussi spécifiques que soient les problèmes de SVB, ils pourraient également être révélateurs d’un risque systémique potentiellement plus large pour le secteur bancaire. Cette situation rappelle à beaucoup d’investisseurs ce qui s’est passé en 2008.
Fort heureusement, la situation actuelle est différente.
La crise financière de 2008 était principalement due à des problèmes de solvabilité. A l’époque, la qualité de certains actifs détenus par les banques était surestimée, et lorsque la valeur des crédits hypothécaires sous-jacents à ces actifs a été revue à la baisse à la suite des nombreux défauts, les pertes ont été définitives.
Aujourd’hui, nous sommes davantage confrontés à un problème (potentiel) de liquidité, déclenché par des pertes temporaires dues à l’augmentation agressive des taux directeurs de la banque centrale. Si les détenteurs d’obligations les conservent jusqu’à leur échéance, elles seront remboursées à 100 % du montant investi, étant donné qu’il s’agit d’obligations d’état américaines.
Des mesures rapides pour limiter les risques
Les décideurs politiques américains ont tous agi très rapidement pour éviter une contagion au reste du système. L’action la plus importante a été la mise en place du « Bank Term Funding Program », un programme qui offrira des prêts à court terme aux banques en échange de certaines garanties.
La particularité de ce programme étant que les obligations américaines sont acceptées comme garantie à leur valeur de remboursement, et non au cours actuel, ce qui représente un avantage importante pour les investisseurs.
Ce système diminue le besoin pour les institutions de vendre rapidement ces actifs en période de crise et est suffisant pour couvrir tous les dépôts américains.
Résultat : les clients des banques sont protégés. Les créanciers ont accès à leur argent et les entreprises peuvent continuer à payer leurs employés et leurs factures. Les actionnaires de SVB quant à eux perdront très probablement la valeur de leur investissement, et le contribuable ne sera pas sollicité pour éponger les dettes.
En Europe, les réglementations relatives aux exigences de capital et à la gestion des risques sont heureusement beaucoup plus strictes qu’aux États-Unis. Et même si certaines institutions sont plus solides que d’autres, un risque systémique sur le secteur bancaire européen semble peu probable.
Cela impacte-t-il CapitalatWork ?
Chez CapitalatWork, nous avons toujours mis la priorité sur la qualité des actifs dans lesquels nous investissons. Nous nous concentrons uniquement sur les émetteurs ayant les business models les plus solides et compréhensibles, un endettement faible, une forte génération de trésorerie et une valorisation attractive.
Toutes ces raisons font que nous n’avons pas de banques dans nos portefeuilles. De manière générale, leurs bilans sont opaques et difficiles à déchiffrer, ce qui nous rend très prudents vis-à-vis de ce secteur.
Fort heureusement, le secteur financier ne se limite pas aux banques, et d’autres acteurs du secteur peuvent constituer de bonnes opportunités d’investissements. Certains pourraient même profiter de la correction actuelle pour faire des achats à bon compte.
Un article par Michael Geeroms et Pierre-Henry Oger