Accord commercial USA – UE : capitulation totale, ou coup de maître ?

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À première vue, l’Union européenne semble s’être inclinée devant les exigences de Donald Trump dans un accord commercial conclu à la dernière minute. Mais derrière les apparences d’une défaite diplomatique, une stratégie plus subtile pourrait bien être à l’œuvre.

Une signature sous pression

Le 27 juillet dernier, à quelques jours seulement de la date-butoir au 1eraoût imposée par Donald Trump, les États-Unis et l’Union européenne ont signé un accord commercial in extremis. Le lieu choisi pour cette rencontre — le complexe de golf écossais du président américain — en disait long sur le rapport de force. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, s’est rendue dans le repaire du lion, un geste hautement symbolique. À première vue, le contenu de l’accord semble confirmer ce déséquilibre : des concessions lourdes du côté européen, peu de garanties en retour. Et si, malgré les apparences, l’Europe avait en réalité négocié plus habilement qu’il n’y paraît ?

Des concessions qui font grincer les dents

Soyons clairs : après l’annonce de l’accord, il semblait que l’UE s’était complètement inclinée devant Trump. La quasi-totalité des produits européens se voyait frappée d’un tarif douanier de 15 %, à l’exception des avions, de certains produits chimiques et des médicaments génériques. En parallèle, Bruxelles s’engageait à acheter pour 750 milliards de dollars de produits énergétiques aux États-Unis au cours des trois prochaines années, et à investir 600 milliards de dollars dans le pays d’ici 2029. Et qu’a obtenu l’UE en échange ? Selon von der Leyen, surtout de la stabilité et de la prévisibilité. Une affirmation qui a fait bondir les observateurs les plus cyniques : un accord avec Trump, ont-ils rappelé, ne garantit en rien la stabilité. Pour beaucoup,  la présidente de la Commission s’est tout simplement fait berner. Les réactions négatives ne se sont pas fait attendre. Von der Leyen a été vivement critiquée, tant par l’opinion publique que par les responsables politiques. Le Premier ministre français Bayrou a été particulièrement tranchant, déclarant sur X : « C’est un jour sombre quand une alliance de peuples libres se résigne à la soumission. »

Un mandat européen miné par les divisions

Mais dans les jours qui ont suivi, cette vision négative a commencé à évoluer. D’abord, plusieurs analystes ont souligné que les divisions historiques de l’Europe avaient fortement limité le mandat de négociation d’Ursula von der Leyen. L’Allemagne voulait à tout prix protéger les intérêts de son industrie automobile, déjà durement touchée par la concurrence chinoise, et semblait prête à faire de grandes concessions. Pour la France, il était crucial que les avions Airbus soient épargnés. Chaque pays avait ses priorités, ce qui a contraint von der Leyen à négocier avec un mandat très affaibli.

Une autre menace planait : la crainte qu’un Trump mécontent ne se retire des alliances militaires et ne cesse de soutenir l’Ukraine, mettant en péril l’unité fragile récemment retrouvée. Cette inquiétude était particulièrement forte chez les États membres d’Europe de l’Est. En somme, l’Europe, par sa négligence prolongée en matière de défense, s’est rendue géopolitiquement vulnérable – et en paie aujourd’hui le prix. De nombreux politiciens européens qui critiquent aujourd’hui l’accord savent bien que ni les divisions internes ni la négligence militaire ne peuvent être imputées à von der Leyen. Mais il est toujours plus commode de désigner un bouc émissaire.

Le protectionnisme, un piège à double tranchant

Au milieu du vacarme sur les « gagnants » et les « perdants » des négociations commerciales, on oublie trop souvent une vérité économique essentielle : dans une guerre commerciale, il n’y a que des perdants. Certains commentateurs américains l’ont d’ailleurs souligné en affirmant que « le protectionnisme ne protège pas ». Car c’est le consommateur américain qui paiera la majeure partie des droits de douane de 15 %. Ce même consommateur sera doublement pénalisé, car les producteurs nationaux protégés par ces barrières tarifaires augmenteront aussi leurs prix. Et l’économie deviendra moins efficace et moins dynamique.

Ensuite, il est vite apparu que les promesses d’achat et d’investissement faites par l’UE étaient en grande partie creuses. Les États-Unis ne disposent pas de la capacité nécessaire pour fournir les volumes d’énergie convenus. Et les investissements doivent venir d’entreprises privées sur lesquelles l’UE n’a aucun contrôle.

Une tactique européenne délibérée?

Et si l’Union européenne avait, en réalité, fait un calcul plus stratégique que ne le laisse penser le triomphalisme de Donald Trump ? En échange de promesses spectaculaires mais peu contraignantes — et du maintien du soutien militaire — l’UE lui aurait offert une victoire médiatique : une image forte, un discours, une mise en scène. Pendant ce temps, elle miserait sur le temps, laissant les effets du protectionnisme se retourner contre lui, comme ce fut le cas pour les partisans du Brexit.

Le ralentissement déjà perceptible de l’économie américaine — illustré par des indicateurs clés tels que la croissance de l’emploi et l’activité du secteur des services — pourrait être le premier signe que la stratégie européenne n’est pas si irréaliste. Jusqu’ici, le temps jouait en faveur des États-Unis, Trump utilisant les délais pour accentuer la pression. Mais si le pays devait réellement basculer dans un scénario de stagflation, ce serait à lui de trouver rapidement une issue, sous la pression des élections de mi-mandat. Et l’avantage temporel pourrait alors basculer du côté de l’Union européenne.

Le compte à rebours est lancé

S’il s’avère que la tactique européenne consistant à gagner du temps était en réalité une manière habile de prendre Trump à son propre piège, alors l’histoire pourrait juger l’accord conclu par Ursula von der Leyen bien plus favorablement qu’il n’y paraît aujourd’hui. Le compte à rebours est lancé.

Un article écrit par Christophe Van Canneyt

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