Intelligence artificielle et marchés financiers

Marchés financiers et intelligence artificielle : je t’aime, moi non plus

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Après un début d’année marqué par un engouement sans précédent autour du thème de l’intelligence artificielle, les marchés semblent faire preuve d’une plus grande prudence depuis l’été. Chez CapitalatWork, nous sommes persuadés que cette remise en question est largement justifiée. Depuis l’émergence de ChatGPT, le secteur des valeurs liées de près ou de loin au thème de l’IA a connu une performance boursière exceptionnelle. Bien que la situation actuelle ne soit pas comparable aux extrêmes de la fin des années 90, lorsque la bulle des .com atteignait son apogée, certains parallèles restent intéressants à souligner.

L’importance des fondamentaux économiques

En tant qu’investisseurs « bottom-up » avec une approche à long terme, nous sommes convaincus que les fondamentaux économiques sont les véritables moteurs de l’évolution du cours de bourse d’une société. La croissance économique, l’inflation, le niveau des taux d’intérêts, les niveaux de valorisation, et surtout l’évolution des bénéfices des entreprises, influencés par ces différents facteurs, jouent un rôle crucial. A court terme, cependant, les émotions prennent souvent le dessus. Les investisseurs peuvent, à certaines périodes, accorder peu ou pas d’importance à certains signaux, puis leur donner une importance vitale à d’autres moments. Il n’est d’ailleurs pas rare que les mauvaises nouvelles soient accueillies tantôt avec ferveur, tantôt avec terreur. Par exemple, récemment, les marchés se réjouissaient lors de la publication de mauvaises statistiques économiques, alors qu’en août dernier, de mauvais chiffres sur l’emploi américain ont provoqué une correction.

Ce principe de l’interprétation des données à géométrie variable s’applique également au niveau micro-économique, lors de la publication des résultats des entreprises. Ce qui importe n’est tant pas le chiffre absolu, mais l’écart entre ce chiffre et les attentes. Ainsi, des résultats décevants peuvent être perçus positivement s’ils sont moins mauvais que prévu.

NVidia, la nouvelle star des marchés

Dans ce domaine, jusqu’à récemment, la conférence de rentrée de Apple était l’un des événements les plus attendus de l’année par la communauté financière. Cependant, depuis quelques temps, c’est la publication des résultats trimestriels de Nvidia qui occupe le devant de la scène. Les chiffres qu’ils communiquent donnent en effet le ton pour le secteur le plus en vogue du moment. Trimestre après trimestre, les chiffres publiés étaient si impressionnants qu’aucun superlatif applicable à une société mature ne semblait suffisant pour les décrire. Et pourtant… Le marché, toujours avide de rendement, a fini par se lasser. Le 28 août dernier, Nvidia annonçait un chiffre d’affaires record de plus de 30 milliards de dollars pour le second trimestre, soit une croissance de 122% par rapport à la même période l’année passée. Les attentes du marché étaient de 28,7 milliards. Malgré cette croissance incroyable et la surprise positive, les marchés, accros aux records, ont jugé cela insuffisant. Le cours de l’action a perdu près de 5% en bourse dès le lendemain. Lorsque le cours de bourse d’une action est « pricé » pour la perfection, battre les attentes ne suffit plus, il faut aller encore plus loin. Mais est-ce bien rationnel ? Nous n’en avons pas l’impression.

Le cas de Nvidia, bien que très médiatisé, n’est pas unique. Les niveaux de valorisation de quelques grandes entreprises ont atteint des sommets cette année, rendant les attentes en termes de croissance et de profitabilité presque inatteignables. Aurait-on atteint un point de rupture dans la frénésie qui entoure l’intelligence artificielle ? C’est possible.

Selon nous, cette question n’est toutefois pas pertinente pour l’investisseur à long terme, qui devrait se concentrer sur deux choses : la pérennité du business model, et la valorisation.

Adoptons une approche pragmatique du secteur de l’intelligence artificielle. Aujourd’hui, des centaines de milliards sont investis dans le domaine de l’IA au sens large. La construction de l’infrastructure concentre cependant une grande partie de ces dépenses, ce qui permet à Nvidia de profiter de la croissance que nous connaissons. Aucune surprise jusque-là, mais nous parlons du court terme et non du long terme. Pour justifier la pertinence d’un investissement, la question de sa rentabilité se pose inévitablement. Comment ces entreprises qui investissent massivement dans le secteur vont-elles pouvoir en tirer profit ? La réponse à cette question nous semble loin d’être évidente. Le client final sera-t-il prêt à payer son smartphone plus cher pour pouvoir profiter des fonctionnalités IA, qui restent actuellement des gadgets pour la plupart ? Les clients de Microsoft vont-ils souscrire massivement à un abonnement « Copilot », alors que ce produit doit encore prouver sa valeur ? Nous ne remettons pas en cause les gains de productivité qui suivront l’adoption des outils d’IA. La question de la monétisation de ces derniers semble en revanche plus floue. Des investissements aussi massifs sans retombée positives majeures seraient en effet terribles pour les marges bénéficiaires des entreprises. Et nous n’évoquons même pas la question de la concurrence, qui ne s’est pas encore pleinement manifestée dans ce marché en plein essor.

Nvidia est une société américaine, leader dans la conception de processeurs et de puces intégrées. Elle joue un rôle crucial dans le secteur de l’intelligence artificielle grâce à ses solutions logicielles et matérielles avancées qui propulsent les innovations en IA.

OpenAI : une valorisation élevée et des défis à relever

OpenAI, l’entreprise derrière le lancement de ChatGPT, est actuellement valorisée à 157 milliards de dollars. Elle a récemment annoncé avoir levé 6,6 milliards de dollars supplémentaires auprès de divers investisseurs, dont Thrive Capital, Microsoft et Nvidia, générant ainsi l’une des plus grosses levées de fonds privés de l’histoire. Cet argent frais sera principalement destiné à financer le fonctionnement de l’entreprise, qui est actuellement toujours déficitaire. Les estimations données par OpenAI prévoient en effet une perte annuelle d’environ 5 milliards de dollars et un chiffre d’affaires de 3,7 milliards pour 2024. Bien que ces chiffres à court terme interpellent, ce sont les objectifs de croissance à long terme qui retiennent notre attention. OpenAI vise un chiffre d’affaires de 100 milliards d’ici 2029, soit une croissance annuelle de plus de 90 % sur cinq ans. Est-ce possible ? Peut-être. Optimiste ? Probablement. Incertain ? Certainement. Rappelons qu’OpenAI est encore aujourd’hui une entreprise sans but lucratif, bien qu’il semble que ce statut soit en cours de changement. Trouver un modèle de croissance rentable pour ce secteur reste un défi. La monétisation des services des grands acteurs de l’internet n’est plus à démontrer, mais ce n’est pas encore le cas pour une grande partie des technologies « IA ». A la vue de ces informations, il nous semble donc légitime de remettre en question les attentes des marchés, surtout si elles se basent sur des objectifs de croissance aussi élevés.

Prenons l’exemple de Cisco, qui était, à la fin des années 90, dans une situation un peu comparable à celle de Nvidia aujourd’hui. Leader du marché des routeurs internet, l’entreprise américaine avait une valorisation de 500 milliards de dollars avant l’éclatement de la bulle, et était la plus grosse société cotée en bourse. Avec un bénéfice par action de 0,36 USD et un cours de bourse à 53 USD à la fin de l’année 1999, le P/E de Cisco était alors de presque 150. La valorisation était par conséquent très élevée et justifiait des attentes de croissance irréalistes. Aujourd’hui, près de 25 ans plus tard, nous pouvons constater que le business model de Cisco s’est avéré très solide et l’entreprise a connu une excellente croissance : le bénéfice par action était de 2,86 USD pour l’exercice 2023, soit une croissance annuelle moyenne de plus de 8%. Le cours de bourse en revanche, lui, est toujours à 53 USD. L’investisseur qui a acheté les actions de cette belle entreprise, qui était alors trop chère, n’aura perçu aucun rendement durant 25 ans, hormis les dividendes.

Conclusion : la solidité et la valorisation avant tout

Ces exemples illustrent pourquoi, chez CapitalatWork, nous pensons qu’analyser la solidité du modèle économique d’une entreprise est essentiel avant d’investir. C’est une condition nécessaire, mais pas suffisante ! La valorisation est tout aussi cruciale. Il est impossible de prédire les mouvements de marché à court terme, et ce qui est déjà cher peut devenir encore plus cher lorsque les émotions prennent le pas sur la raison. Sur le long terme, une approche basée sur les fondamentaux permet de garder la tête froide, bien qu’il faille parfois faire le dos rond lorsque les marchés sont pris d’une euphorie à laquelle nous ne participons que partiellement. Et ce n’est pas la concentration inédite que nous constatons aujourd’hui dans les principaux indices qui risque de nous faire changer d’avis. Comme Saint-Thomas en son temps, nous ne croyons que ce que nous voyons.

Un article écrit par Pierre-Henry Oger

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